Agnès Varda in California ?

Fautil aller voir Agnès Varda in California
Ciné-Tamaris

Quand, en 1967, le réalisateur Jacques Demy débarque à Hollywood pour y tourner Model Shop, sa femme, Agnès Varda, l’accompagne. Réalisatrice à l’élocution cinématographique inimitable, elle a alors 39 ans et appartient d’ores et déjà à l’histoire du cinéma, grâce notamment à La pointe courte (1954) et Cléo de 5 à 7 (1962). Partie initialement pour y tenter sa chance elle aussi, sa créativité marginale se heurte aux studios hollywoodiens qui lui refusent le final cut. Varda renonce à son projet. Mais pas à son besoin organique de filmer. Car la découverte de la Californie est un choc. En pleine effervescence hippie, la Côte Ouest exulte alors de jeunesse, de musique (c’est l’époque des « Love in » dans les parcs), d’une liberté solaire qui fascinent Varda.

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Entre deux soirées name-dropping dans de somptueuses villas sur les collines de L.A où elle accompagne son mari et deux virées avec Jim Morrisson, le nouvel ami de la famille, Varda prend sa caméra et tourne coup sur coup trois films, Uncle Yanco, Black Panthers et Lions Love(and Lies). Uncle Yanco est le portrait d’un cousin éloigné de Varda, peintre farfelu et figure centrale de la communauté hippie de San Francisco. Black Panthers capte les manifestations liées au procès de Huey Newton, le leader charismatique des activistes afro-américains. Lions Love…(and Lies) est une fiction psychédélique qui met en scène James Rado, Gerome Ragni – du musical libertaire Hair – et Viva, l’égérie d’Andy Warhol. Nus, défoncés, ils barbotent dans une piscine en commentant l’actualité chaude que déverse un poste de télévision, notamment l’assassinat en direct de Bobby Kennedy.

Agnès Varda retournera à Los Angeles dix ans plus tard, en 1980, pour y tourner Mur, Murs, qui explore les murals, ces fresques gigantesques réalisées par des Noirs et des Chicanos sur les murs de L.A, aujourd’hui presque toutes disparues, et Documenteur, sur les pérégrinations d’une Française et son fils de 8 ans (interprété par Mathieu Demy, le fils de Varda), dans les rues Venice Beach, quartier phare de la libération des mœurs.

Ces cinq films, la période américaine de la – très longue - filmographie de Varda, ressortent aujourd’hui en salles. Passés presque inaperçus à leur sortie, sans doute aura-t’il fallu plus de trente ans pour réaliser leur valeur inestimable. A les voir, on mesure leur apport documentaire sur une époque révolue. Ils s’imposent comme un outil d’une préciosité rare pour qui veut découvrir l’âme originelle du mouvement hippie, période historique qui bouleversa à jamais l’ordre du monde occidental. Et puis, il faut bien dire, il est follement bon de redécouvrir le filmage unique de Varda. Cette petite musique bien à elle qu’elle fredonne à chaque plan, entre tendresse et dénonciation, humour et radicalité. Si la restauration était nécessaire pour raviver les couleurs d’alors, rien d’autre n’a mal vieilli. Au contraire, la fantaisie de Varda est inoxydable, éternellement moderne. Sa liberté de ton, son insolence, sa fraîcheur étaient et resteront une magistrale leçon de cinéma. Alors repliez vos serviettes et courez prendre le soleil de L.A. dans les salles obscures.

Regardez la bande-annonce de Agnès Varda in California

Agnès Varda in California, 5 films d'Agnès Varda made in USA.
Sortie le 30 juillet.

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