Comment réussir son discours aux Oscars ?

Chaque mot, chaque trémolo, chaque geste peut métamorphoser le discours banal de l'heureux élu en tirade mémorable. Leçon d’éloquence et d’élégance à Hollywood.
Comment russir son discours aux Oscars
Jason Merritt

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Les meilleurs moments des Oscars (et les pires, aussi)

1- EXPRIMER SA JOIE
Lorsque Roberto Begnini reçoit l’Oscar du meilleur film étranger pour La vie est belle en 1999, il laisse exploser son bonheur. Le réalisateur gagne la scène en bondissant de fauteuil en fauteuil, hurlant de joie, avant de livrer un discours chargé d’émotion et d’un fort accent italien.

Le précédent : Les sauts de joie de Cuba Gooding Jr. récompensé dans la catégorie Meilleur acteur dans un second rôle pour Jerry Maguire en 1997.

Le disciple : Adrien Brody, Oscar du Meilleur acteur en 2003 pour Le Pianiste, embrasse fougueusement Halle Berry, chargée de lui remettre le prix. « Je parie que vous ne pensiez pas que ça faisait partie du paquet cadeau », glisse-t-il à l’actrice étonnée, avant de prononcer un discours émouvant, les larmes aux yeux.

2- FAIRE COURT
Le plus long discours de l’histoire des Oscars est celui de l’actrice Greer Garson, sacrée meilleure actrice en 1942. Pendant sept minutes, la Britannique revient en (très) long et en large sur son parcours, son arrivée aux Etats-Unis et l’accueil que lui a réservé Hollywood. Dès lors, les railleries sur les « acceptance speeches » interminables sont un leitmotiv des Oscars. Un extrait :

La leçon : comme l’a si bien résumé Ellen deGeneres en 2007 : « Soyons honnêtes, ce n’est pas que nous n’avons pas de temps pour les longs discours. Nous n’avons pas de temps pour les discours ennuyeux. »

Le contre-exemple : Alfred Hitchcock, dont le discours fut le plus court de l’histoire des Oscars : « Merci ». Il ajouta un timide « vraiment », mais le micro était déjà coupé.

3- RENDRE À CÉSAR…
En 1962, Ed Begley, meilleur acteur dans un second rôle dans Sweet Bird of Youth, remercie le producteur du film, le réalisateur « mais surtout, et du fond du cœur, [son] agent, George Morris, qui a toujours cru en [lui]. » Stupeur dans le public. De mémoire d’Oscars, c’est la première fois que quelqu’un remercie son agent. À partir de 1 minute 38 secondes :

La leçon : Finie l’hypocrisie, il est de notoriété publique qu’à Hollywood, ce sont les agents des stars qui font la pluie et le beau temps.

Les disciples : Désormais, certaines stars n’hésitent pas à remercier leur coiffeur, leur maquilleur, Oprah, etc., rallongeant toujours et encore la durée des discours. En 1998, le producteur de Titanic, Jon Landau, cita 55 personnes.

4- JOUER LA SURPRISE
En 1979, la victoire de Meryl Streep pour l’Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle, dans Kramer vs. Kramer, n’a pas surpris grand monde, pas même la principale intéressée, qui a tout de même prononcé un poli « Mince alors ! » (« Holy mackerel » en VO).

Le contre-exemple : Jennifer Lawrence, si choquée de remporter l’Oscar de la meilleure actrice en 2013, qu’elle en tombe. Cette chute a probablement été la plus commentée de l’histoire des Oscars, même si l’actrice a ensuite démenti qu’elle soit due à la surprise.

5- S’AUTO-CITER
En 1984, Sally Field, meilleure actrice, conclut son discours par une envolée lyrique : « Et je ne peux nier le fait que vous m’aimez. A cet instant, vous m’aimez ! » Il s’agit en fait d’une référence au film Norma Rae dans lequel elle a joué en 1979, mais ce cri du cœur enjoué devient une blague culte.

Le disciple : James Cameron s’exclamant « Je suis le roi du monde ! » pour son Oscar du meilleur réalisateur pour Titanic en 1998 (à partir de 2 minutes 56 secondes).

6- LA FRENCH TOUCH
À plusieurs reprises, le cinéma français a connu sa minute de gloire à Los Angeles. Plusieurs écoles s’affrontent. D’un côté, émotion et humour, pour des discours très courts. Ainsi de Juliette Binoche en 1997 (Meilleure actrice dans un second rôle dans Le Patient anglais) : « Je suis si étonnée… C’est un rêve, ça doit être un rêve français ! »

Ou de Simone Signoret en 1972 (Meilleure actrice pour Room at the top) : « Je voulais rester digne, mais je n’y parviens pas. Vous ne pouvez pas imaginer ce que c’est pour moi, une Française, d’être là. »

De l’autre côté, Marion Cotillard, meilleure actrice dans La Vie en rose en 2008, et ses remerciements en crescendo passionné : « Merci la vie, merci l’amour ! C’est vrai qu’il y a des anges dans cette ville ! »