Mark Zuckerberg créa Facebook, le 4 février 2004

Comment un jeune étudiant déterminé de Harvard a réussi à créer le réseau social le plus puissant et le plus prolifique du monde.
Mark Zuckerberg cra Facebook le 4 fvrier 2004
Photoshot / UPPA / VISUAL Press Agency

C’est un étudiant de 19 ans, en deuxième année à Harvard. Son uniforme : t-shirt-jean-claquettes-Adidas. Il s’appelle Mark Zuckerberg et vient de Dobbs Ferry, dans la banlieue de New York. S'il a choisi Harvard pour étudier le latin et les lettres classiques, c’est en informatique qu’il brille le plus. Il adore s’enfermer des journées entières pour coder, une activité qu’il pratique depuis qu’on lui a offert son premier ordinateur, à 11 ans. « Je ne suis qu’un petit garçon. Je m’ennuie vite et les ordinateurs, ça m’excite », confie-t-il à la revue de l’université, The Harvard Crimson, en juin 2004.

Si jeune soit-il, Zuckerberg a déjà en lui une fibre créatrice. Son apprentissage, il l'a fait avec le manuel de programmation C++ pour les nuls, et plus encore, en échangeant avec des amis. Au lycée, il a conçu un lecteur de musique intelligent (Synapse) qui enregistre les goûts de l'utilisateur et crée des playlists personnalisées. Les données utilisateurs, déjà.

En janvier 2004, lorsqu’il se lance dans son nouveau projet, Mark s’enferme une semaine durant, sans dormir ni manger (ou presque), tant et si bien que ses colocataires en oublient presque sa présence... Le fruit de cette retraite studieuse ? thefacebook.com, lancé le 4 février (le « the » sera abandonné en septembre 2005), un réseau social permettant aux étudiants de l’université de Harvard de se créer un profil personnalisé et d’ajouter leurs « amis ». Un projet réalisé grâce à l'aide de ses camarades Eduardo Saverin, Chris Hughes et Dustin Moskovitz. Dans un premier temps, The Facebook est accessible uniquement à Harvard. Très vite, le site au design bleu – la couleur que Zuckerberg, daltonien, voit le mieux – conquiert le campus tout entier.

On dénombre peu de femmes parmi les early adopters. Peut-être parce que l'un des premiers bébés de Zuckerberg, Facemash, créé en octobre 2003, permettait de noter des étudiant(e)s selon leur beauté (« Hot or not ? »)... À l'époque, le site enregistra plus de 400 visiteurs uniques et 22 0000 votes en une journée. Mais il déclencha aussi la colère des associations féminines de Harvard. Le crack de l’informatique finira même en conseil de discipline...

Facemash, créé par Mark Zuckerberg, quatre mois avant Facebook (ici reconstitué dans le film The Social Network de David Fincher, en 2010).

« Je ne voulais pas être celui qui aurait remis une telle invention à plus tard. »
Qu’à cela ne tienne, Zuckerberg est convaincu qu’il tient une bonne idée. « Après Facemash, je savais qu'un site comme Facebook serait quelque chose de très utile, mais surtout, je ne voulais pas remettre une telle invention à plus tard. »

Les frères Winklevoss ne l’entendent pas de cette oreille. Ces étudiants en dernière année à Harvard accusent Zuckerberg de leur avoir volé l’idée, lui qui était censé développer pour eux un réseau intra-école, HarvardConnection, depuis fin 2003. Qu’importent les polémiques : le succès de The Facebook est sans précédent dans l’histoire d’Internet.

Quatre mois après sa création, le réseau s’ouvre à d’autres universités américaines. Déjà 160 000 personnes inscrites en juin, quatre mois après sa sortie, uniquement grâce au bouche-à-oreille. Le journal de l’université de Stanford décrit, dépité, l'ampleur du phénomène : « Les étudiants sèchent les cours. Ils bâclent leurs devoirs. Ils passent des heures devant leur ordinateur dans un état de fascination absolue. La mode de The Facebook a balayé le campus ».

« N’importe qui à Harvard peut trouver un job qui rapporte un tas de fric, mais tout le monde ne peut pas créer un réseau social. »
Interviewé sur la chaîne américaine CNBC en juillet 2004, alors que The Facebook frôle déjà les 200 000 membres, Zuckerberg ne semble pas encore avoir une idée très arrêtée sur l'avenir de son réseau social.

Leitmotiv de Zuckerberg à l'époque : small is beautiful. « Nous essayons de maintenir The Facebook à une taille réaliste pour qu’il ne devienne pas totalement déconnecté des utilisateurs et de leur vie de tous les jours » explique modestement le cofondateur Chris Hughes.

Zuckerberg et sa bande sont encore loin d’imaginer que le nombre de membres dépassera le milliard en 2012. Mais le réseau suscite déjà l'intérêt des annonceurs, ce qui n'échappe pas à la jeune équipe. « Avec un pouvoir d’achat estimé à plus de 85 milliards de dollars, les étudiants à l’université ont de l’argent dans les poches, pour vos services et produits » peut-on lire dans le tout premier dossier de presse de Facebook, daté du printemps 2004. De fait, les publicités permettent de financer les frais de fonctionnement du site, principalement des coûts de serveur qui augmentent à proportion – exponentielle – du nombre d'inscrits.

Mais l’argent n’est pas le moteur principal pour Zuckerberg : « Ouais, on peut se faire du fric, mais c’est pas le but… N’importe qui à Harvard peut trouver un job qui rapporte un tas de fric, mais tout le monde ne peut pas créer un réseau social. Pour moi c’est une ressource qui a plus de valeur que l’argent. » À l'époque de Synapse, Zuckerberg avait repoussé plusieurs offres de rachat, dont la plus élevée culminait à... 2 millions de dollars !

« Peut-être que je vais m’en lasser »
Un journaliste a interviewé Zuckerberg dans sa chambre d'étudiant en juin 2004, quatre mois après la sortie de Facebook, pour la revue de Harvard. Désormais reporter au New York Times, Michael Grynbaum se souvient d'un étudiant cool et décontracté, chez qui l'on pouvait percevoir « une véritable ambition » et un « excellent instinct de ce qui pouvait parler aux jeunes ». « Nous avons discuté une heure, assis par terre dans sa chambre. Il se comportait comme n'importe quel autre étudiant, mais il était déjà en train de devenir une sorte de célébrité. »

À la fin de la discussion, Grynbaum lui demande s’il compte vendre Facebook, déjà convoité par plusieurs investisseurs. Zuckerberg reste évasif : « Peut-être, quand je m’en serai lassé, et alors je travaillerai sur d'autres projets. Mais je ne pense pas que ça arrive dans un futur proche. » Avant d’ajouter : « Quand je dis futur proche, je parle des 7 ou 8 jours à venir... »

Aujourd'hui, Zuckerberg dirige toujours Facebook, une société qui a dégagé 8 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2013.