Ce que les Golden Globes 2015 vont changer à la télévision

The show must go on. Au moment où se terminait à Paris la Marche du 11 janvier, à Los Angeles, les flash commençaient à crépiter sur le tapis rouge des Golden Globes 2015. Bienvenue dans le climax de l'entertainment yankee où l'engagement politique rencontre l'hyper-spectacle dans une grande communion angélique sponsorisée par les maisons de luxe. Plus calibrée qu'un blockbuster, la cérémonie ne récompense plus seulement le meilleur de la télévision et du cinéma US, mais donne à voir les ficelles d'une industrie culturelle toute puissante - n'en déplaise à la Corée du Nord. Voici les 5 leçons à tirer de cette édition.
Transparent Golden Globes

Hollywood a trouvé sa néo-Cendrillon

Elle est fraîche, drôle, terriblement sexy, et pourtant le snob culturel que vous êtes n'avait jamais croisé la pétillante Gina Rodriguez jusqu'à ce soir. C'est parce que Jane The Virgin, vraie-fausse telenovela satirique, l'une des séries les plus étonnantes et injustement passées inaperçues de 2014, est diffusée sur CW. Loin de l'usine à awards HBO, la petite chaine spécialisée dans les séries pour adolescentes (Gossip Girl, 90210) vient, grâce à l'actrice, de remporter le tout premier golden globe de son histoire. Un prix que la jeune actrice d'origine portoricaine, qui ramait dans des téléfilms oubliables il y a encore six mois, vient d'arracher aux génies comiques confirmés Eddie Falco, Lena Dunham, Julia Louis-Dreyfus et Taylor Schilling. Étouffé entre deux sanglots, c'est un discours de remerciement d'une rare simplicité qui fut le climax de ce conte de réussite dont l'Amérique raffole. Bientôt l'adaptation en IMAX ?

Y a-t-il une vie après la première saison ?

De moins en moins. Mad Men, qui avait remporté quatre années de suite le golden globe de la meilleure série dramatique avant d'être superbement ignorée par l'association organisatrice Hollywood Foreign Press (qui, depuis deux ans, ne prend même plus la peine de la nominer), en sait quelque chose. Homeland, récompensée dans les trois catégories les plus prestigieuses en 2013 (meilleure série dramatique, meilleur acteur et meilleure actrice pour Damian Lewis et Claire Danes), a complètement disparu des radars.

Même True Detective, qui a pourtant rendu fous les sériphiles au début de l'année 2014 et hissé Matthew McConaughey au sommet de sa carrière, a reçu une gifle magistrale en repartant bredouille, tandis que la plus conceptuelle Fargo lancée quelques mois plus tard raflait les golden globes du meilleur acteur et de la meilleure mini-série. Au rayon des séries dramatiques comme à celui des comédies, la tendance se confirme, les petites nouvelles The Affair et Transparent ayant détroné les Girls, House of Cards et autres Orange Is The New Black, reléguées au rang de fossiles télévisuels après à peine deux saisons.

L'avènement de l'entertainment méta

Mais que faisait le casting d'Entourage sur le tapis rouge des Golden Globes quatre ans après sa dernière saison ? Alors que la sortie du film tiré de la série est prévue en juin 2015, Adrian Grenier, Jeremy Piven, Emmanuelle Chriqui, Kevin Connolly, Kevin Dillon et Jerry Ferrara ont profité du grand raout de la télévision US pour venir y tourner quelques scènes de dernière seconde. C'est ainsi que, dans une atmosphère très méta, la célébration est devenue un lieu de tournage dont les prestigieux invités se sont vus reléguer au rang de figurants bénévoles.

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« Charlie, c'est le nouveau Versace »

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Machine à rêves pour certains (les téléspectateurs), véritable business pour d'autres (les marques), le tapis rouge est surtout un peloton d'exécution médiatique à l'attention des actrices que l'on envoie se faire juger comme du bétail. Pétrifiée à l'idée de commettre un faux-pas stylistique, elles ont alors tendance à toutes afficher le même bustier de satin sponsorisé, le même sourire crispé, et la même pose de trois quarts millimétrée.

À l'heure de l'overdose, le succès se niche alors dans le sens et les détails... Comme chez George Clooney, arborant un badge « Je suis Charlie » fièrement épinglé sur le smoking de son mariage qu'il a recyclé pour la cérémonie. De quoi voler le titre de la vedette la mieux habillée au nez et à la barbe de ses collègues en robe longue, de leurs cinq stylistes et de leur douze coiffeurs.

Le tapis rouge est devenu progressiste

Le format série est-il devenu le porte-drapeau privilégié de la question transgenre ? Dès 2013, Netflix ouvrait la voix à la représentation transgenre en offrant l'un des plus beaux rôles de sa série Orange is The New Black à la géniale Laverne Cox. Phénomène médiatique, l'actrice devenait quelques mois plus tard le premier visage transsexuel de l'histoire du magazine Time à apparaître en couverture.

L'année suivante, les internautes américains découvrent Transparent, première production des studios flambant neufs d'Amazon, qui se lance alors dans une concurrence frontale du service de VOD. Jill Soloway, créatrice de la série, avait vu son père devenir transsexuel trois ans plus tôt. « Une grande annonce », raconte-t-elle en coulisses de la cérémonie avant d'admettre « Ma seconde réaction a été de penser "Je crois que je tiens une idée de show" ». Récompensée du prix de la meilleure série comique, elle a dédié son golden globe à la mémoire de Leelah Alcorn, adolescente transexuelle dont le suicide le 28 décembre 2014 a secoué l'Amérique. Récompensé pour son rôle de grand-père révélant son identité transgenre à ses enfants dans la série, Jeffrey Tambor a, lui, tenu à remercier la communauté transgenre d'avoir permi à Transparent de contribuer à sa cause.

À l'instar du couple Clooney-Alamuddin, Jared Leto, Diane Kruger, Joshua Jackson, Helen Mirren ou encore Kathy Bates ont affiché leur soutien à Charlie Hebdo, donnant au #JesuisCharlie des faux-airs de #BringBackOurGirls. Common et John Legend, récompensés pour la meilleure chanson originale de film (Glory, dans Selma) ont fait fondre Oprah en larmes en faisant référence au drame de Ferguson dans leur discours de remerciement. Enfin, fidèles à leurs habitudes, Tina Fey et Amy Poehler ont émaillé leurs blagues vaseuses de références à la gloire du féminisme hollywoodien tandis que le palmarès de la soirée mettait plus que jamais en lumière l'explosion du nombre de femmes showrunners dans le paysage audiovisuel américain.