La véritable histoire de « Mary Poppins »

Trahisons et crises de nerfs : le tournage du film, en 1964, ne fut pas une partie de plaisir...
Julie Andrews la ptillante Mary Poppins de Robert Stevenson en 1964
Julie Andrews, la pétillante Mary Poppins de Robert Stevenson, en 1964.T.C.D / VISUAL Press Agency

Réalisé en 1964 par Robert Stevenson pour les studios Disney, « Mary Poppins » fut un succès considérable qui généra de juteuses recettes et permit à son interprète Julie Andrews d’être faîte commandeur dans l’Ordre de l’Empire britannique par la reine Elizabeth II.

Aujourd’hui, un film - Dans l’ombre de Mary de John-Lee Hancock, avec Tom Hanks dans le rôle du producteur et Emma Thompson dans celui de la romancière bafouée -, se pique de raconter que ce blockbuster fut accouché dans la douleur.

D’un côté, une ex-actrice devenue romancière, Pamela Lyndon Travers, née en Australie. Fille aînée d’un banquier et d’une suffragette, elle publie à partir de 1934 une série de récits dont l’héroïne est une nurse, employée peu conventionnelle d’un couple trop occupé pour gérer ses enfants (père dans la finance, mère féministe : l’oeuvre est donc un rien autobiographique).C’est une femme crispée sur ses prérogatives, à l’enfance douloureuse, nourrie de contes celtiques et de bouddhisme, une insoumise ayant tâté de la psychanalyse, fréquenté les indiens Navajos, et croyant à l’existence de mondes parallèles.De l’autre un nabab à la mauvaise réputation : on dit Walt Disney odieux avec ses employés, coupable de sympathies racistes, nazies, antisémites. Ses deux filles, Diane Marie et Sharon (adoptée), sont folles de cette irrévérencieuse Mary Poppins, le créateur de Mickey leur promet d’en faire un film et n’a de cesse d’en acheter les droits.CrisesMais Pamela Lyndon Travers (un pseudo, elle se nomme en réalité Helen Lyndon Goff) refuse de lui vendre. Les négociations durent seize ans ! Au bout de discussions électriques, de contrats avortés et de courbettes multipliées devant elle, l’écrivain finit par céder, mais pose ses conditions : elle veut conserver le contrôle du scénario et pinaille, contestant pied à pied tout ce qu’elle considère comme trahisons ou édulcorations.Disney la regarde piquer ses crises…et fait comme il l’entend.Le film tourné, elle le déteste. Sortie en larmes de la projection, la malheureuse hurle à la trahison, exige des coupes, des aménagements. A ses yeux, la nounou magicienne et directive (conçue pour interpeller les lecteurs adultes plutôt que pour amuser les petites filles modèles) est devenue trop falote, trop farfelue. Censée illustrer une pédagogie dénuée de toutes concessions et de toute mièvrerie, son héroïne à gabardine à boutons et parapluie, à tête de canard, est parachutée dans un divertissement charmant et pimpant.« Supercalifragilisticexpialidocious… ». Elle trépigne, tonne en vain.Morte en 1996, elle avait signifié sur son testament son interdiction absolue d’autoriser toute autre adaptation de son œuvre en comédie musicale, de vendre le moindre droit à Disney ou à l’un de ses collaborateurs, et exigé que plus aucun artiste américain ne touche à ce qu’elle avait écrit.Un extrait de Mary Poppins avec le fameux « Supercalifragilisticexpialidocious… » :