Stan Smith, Superstar... Adidas, instrument de la pop culture

Aux pieds des skinheads, des rappeurs et des rockeurs, la Stan Smith, fabriquée à nouveau, et les autres baskets mythiques de la marque à trois bandes, ont traversé 50 ans de culture pop. Plus que de simples chaussures.
Adidas et sa Stan Smith instruments de la pop culture

C’est la chaussure la plus vendue au monde, avec plus de 70 millions d’exemplaires. Un record qui figure même dans le Guinness Book. Interrompue en 2011, la fabrication des mythiques Stan Smith a repris en 2014. Aujourd'hui, elle est aux pieds de tout hipster qui se respecte. L'occasion de revenir sur 50 ans de pop culture.

Né sur les courts de tennis en 1964, fruit de la collaboration entre le champion américain Stanley Smith et Adidas, le modèle de cuir blanc, dont le haut du talon est coloré, s’impose dans le sport, et rapidement dans la rue.

« L’émergence de la Stan est un pur accident marketing, note Michael Dupouy, fondateur de MJC, une agence de communication spécialisée dans la street culture, interrogé par GQ. C’est un phénomène classique dans l’univers sportswear : la rue détourne les codes du sport et s’en empare. »

Prolo et placement produit
En passant dans la rue à une époque où celle-ci est vivace, la Stan devient la chaussure des classes populaires.

Tout d'abord, au sein du mouvement skinhead (quand il n'était pas encore à l'extrême droite) prend justement son envol dans la seconde moitié des années 1970. Jean 501 retroussé, bretelles, polo Fred Perry (une autre légende du tennis) sont associés à la Stan Smith, comme le ska ou le reggae, musiques emblématiques du mouvement, sur lesquelles les rude boys blancs et noirs skankent et pogotent.

Au début des années 1980, le hip hop, encore émergent, transforme la Stan Smith en véritable icône de la rue. Elle est portée aux pieds – et aux nues – des stars de l'époque.

Les New-Yorkais de Run DMC signent un partenariat inédit avec Adidas, empochant au passage un million de dollars. Qu’elle soit Stan Smith ou Superstar – le modèle préféré du trio –, la basket est même l’objet de chansons.

Le titre My Adidas ne peut pas être plus précis. « Mes Adidas et moi, on est vraiment très proche, on forme une équipe de cinglés », rappent les trois MC.

Et dans son duo Walk This Way avec les hard rockeurs d’Aerosmith, le groupe apparaît Superstar délacées aux pieds. Ou comment réinventer le placement produit d’une manière cool.

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Nostalgie d’une époque
Illustration de la folie Stan Smith de l’époque, le tube nostalgique Je danse le Mia, dans lequel les Marseillais d’IAM parlent de cette « bonne époque ».

« Au début des années 1980, je me souviens des soirées où l'ambiance était chaude et les mecs rentraient Stan Smith aux pieds, le regard froid », témoigne Akhenaton, dans un clip réalisé par Michel Gondry, aux couleurs doucement vintage, à l’image du design sobre de la chaussure.

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Même instant nostalgie du côté de La Caution dans Thé à la menthe, où le duo de rappeurs chante le quartier parisien de Barbès dans les années 1980 : « Je cavale en Stan Smtih Adidas, jean 501, ça va je m'en tape. »

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Il fut même un temps où les Stan Smith rencontraient les Doc Marten’s. D’abord dans les concerts punk, où les skinheads, pas encore d’extrême droite, venaient frotter leurs baskets aux bottes des punk-rockeurs, puis dans les bagarres entre les gangs néo-nazis et les chasseurs de skins, qui luttaient pour le contrôle de certains quartiers de Paris.

Sniper en fait d’ailleurs état dans Tribale Poursuite, où le groupe parisien indique qu’il portait sa « paire de Stan Smith comme complice face aux skins qui m’collent aux seufs ». Comprenez : « qui me poursuivent ».

Vintage et indémodable, la Stan Smith est devenue un « classique », comme le chante La Fouine, le rappeur chouchou des radios raps des années 2010.

Trois bandes et guitares
Adidas, à la manière de Converse (la chaussure des rockeurs) ou Vans (celle des punks américains), est une marque presque musicale, mais pas réservée aux rappeurs. La basket à trois bandes est adoptée dans les années 1990 par la pop anglaise, dont les fers-de-lance sont Blur, Oasis, Pulp ou Suede. À leurs pieds, les Stan ou les Samba (en hommage à leurs prédécesseurs skins), et plus encore les Gazelle, le modèle élancé de la marque qui devient la pompe quasi-officielle de la britpop.

Plus énervé, le neo-metal américain de la fin des années 1990, mélange de hip hop et de riffs de guitare lourds, adopte le look des rappeurs, portant baggy, casquette et... baskets.

Comme Run DMC en son temps, le groupe Korn est sponsorisé par Adidas et présente sur scène et dans ses clips les modèles de la marque. Ses survêtements ne sont pas toujours du meilleur goût, tout comme la chanson A.D.I.D.A.S., dont l'acronyme (« All Day I Dream About Sex ») n’a pas grand chose à voir avec la véritable signification du nom de la marque (inspirée de son créateur Adi Dassler)...

En revenant dans les boutiques et sur les trottoirs, la Stan Smith refait parler d’elle. Et risque encore d'imprégner durablement la pop culture et les rejetons des musiciens, marqués par les trois bandes.

DALiM

Stan Smith aux pieds, le regard fier, pour son créateur, Stanley Smith