Sunhi ?

Sunhi
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Un jour, un ancien étudiant en cinéma de Hong Sang-soo vient le voir pour lui demander de lui écrire une lettre de recommandation. Le cinéaste s’exécute mais l’étudiant n’est pas satisfait et lui demande de la réécrire. Sang-soo refuse – il estime avoir écrit ce qu’il avait perçu de l’élève - mais la mésaventure déclenche en lui un malaise qui vient questionner en profondeur l’enseignement de l’art, la transmission de maître à élève et la perception que chacun a de lui-même. Cette anecdote très « hong sang-sooienne » en somme lui fournit illico le point de départ narratif de Sunhi.

D’humeur plus fleur-bleue que jamais, le réalisateur a twisté son ancien étudiant en une jeune élève énigmatique (interprétée par Jung Yu-Mi, qu’il retrouve quatre ans après Oki’s Movie) qu’il a placée au centre de trois hommes, son professeur, son ex-petit ami et un réalisateur. L’énigmatique Sunhi va alors chorégraphier le quatuor amoureux au gré de ses hésitations sentimentalo-existentielles. C’est sans aucun doute le film le plus doux du très prolixe maître Sud-Coréen adulé par la critique. Tout tient à son héroïne, que Sang-soo a construite au diapason du sentiment amoureux, à savoir délicieusement enivrante. À la fois ordinaire et fascinante, poétique et sommaire, sa placidité suave et insondable confère à ses louvoiements un érotisme fou.

Mais ne nous y trompons pas. Si la fameuse petite musique rohmérienne du cinéaste sonne ici comme une gentille comptine amoureuse, Hong Sang-soo reste Hong Sang-soo. Avec toujours ce trouble indescriptible qui caractérise son cinéma – si la chanson est délicate, elle n’en est pas moins cruelle et sous la drôlerie affleure la mélancolie. Avec toujours une structure narrative désarmante beaucoup moins simple (ici tout se passe sur un campus de Séoul) et charmante qu’il n’y paraît. Avec toujours, enfin, ses personnages imbibés de soju, l’alcool coréen, qui s’étourdissent de discussions à rallonge – et géniales- sur l’art, le cinéma, l’amour, le sexe.

Pour les novices, l’occasion de découvrir Hong Sang-soo par une tangente toute tendre. Pour les autres, deux ans après un In another country quasi-parfait avec Isabelle Huppert, un nouveau chapitre à savourer comme un sorbet rafraîchissant dans la filmographie du maître.

Marie Aimée